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Le Prix du Jury Œcuménique 2024, sera remis pendant le Festival International de la BD par le Président du Jury, Jean-Pierre MOLINA, à l’église Saint-Martial d’Angoulême, le jeudi 25 janvier 2023, à 15 h

Le Prix 2024 du Jury œcuménique est attribué à l’album : « SONG » de Hai-Anh et Pauline Guitton chez Ankama, et la mention spéciale à l’album « Les oiseaux de papier » de Mana Neyestani, coédité par CA et LA et  ARTE Editions.

Song de HAI-Anh et Pauline GUITTON chez ANKAMA

Song de HAI-Anh et Pauline GUITTON chez ANKAMA

« SONG » de HAI-Anh et Pauline GUITTON chez ANKAMA.

En vietnamien, Song signifie « vivant », ou « en vie ». C’est le mot qui vient à l’esprit de la jeune scénariste franco-vietnamienne Hai-Anh, lorsque sa mère, Viet Linh, lui raconte ses souvenirs de jeunesse. Mais plus que de vie, c’est de « survie » dont il s’agit, à écouter le témoignage de Linh. Elle n’est qu’une jeune ado quand éclate la guerre du Vietnam, qui déchire le pays mais également les familles. A 16 ans, elle décide de partir vivre dans le maquis pour rejoindre un père qu’elle n’a encore jamais rencontré. Plus qu’un témoignage croisant l’intime et l’historique, ce roman graphique teinté de sororité est surtout un récit d’émancipation – outre la survie en forêt, Linh apprendra à tourner un film et deviendra réalisatrice. Sous le trait subtil de Pauline Guitton, le lecteur suit la quête de Anh sur le chemin de ses racines, et assiste par la même occasion à la réparation d’une relation mère-fille jusqu’ici marquée par les disputes et les non-dits.

Aurélien LACHAUD

 

 

« LES OISEAUX DE PAPIER » de Mana NEYESTANI, coédité par les éditions CA ET LA et ARTE éditions

« LES OISEAUX DE PAPIER » de Mana NEYESTANI, coédité par les éditions CA ET LA et ARTE éditions

« LES OISEAUX DE PAPIER » de Mana NEYESTANI, coédité par les éditions CA ET LA et ARTE éditions

Tirer du malheur le plus désespérant des images admirables, tel est le rôle de la tragédie. Tel aussi le talent de Mana Neyestani dans cette bande dessinée qui relève du récit d’aventure mais d’une aventure où les héros sont sans gloire et l’héroïsme clandestin. On les appelle les kolbars, des contrebandiers kurdes qui transportent à dos d’homme d’énormes colis sur des chemins vertigineux à flanc de montagne, non pour établir quelque record sportif mais pour nourrir leurs familles. Les soucis et la peur qui leur écrasent les épaules et les rêves qui les tiennent debout, leurs amours ou leur deuil … font partie du voyage dans des paysages dont un dessin sobre et puissant impose l’implacable beauté.

Jean-Pierre MOLINA

 

Prix du Jury Œcuménique 2023

Cette année, le JURY ŒCUMÉNIQUE de la Bande Dessinée composé de critiques, d’historiens, de journalistes, de spécialistes et d’amateurs de la bande dessinée, a décerné son prix annuel à
« LE PRINTEMPS DE SAKURA » de Marie JAFFREDO, Editions VENTS D’OUEST.
La mention spéciale est attribuée à « PERPENDICULAIRE AU SOLEIL » de Valentine CUNY-LE CALLET, Editions DELCOURT.

Couverture de la BD LE PRINTEMPS DE SAKURA
de Marie JAFFREDO,
Editions VENTS D’OUEST

Sakura, 8 ans, cache son mal-être et se renferme sur elle- même depuis la mort accidentelle de sa maman survenue quelques années plus tôt. Accaparé par ses obligations professionnelles, son père, un expatrié français, décide de la confier à son Obaa, sa grand-mère japonaise installée près d’un modeste village de pêcheurs. Le temps d’un printemps, la vieille dame parvient à redonner espoir à sa petite-fille, l’aide à franchir le cap de la résilience et lui communique son goût des choses simples : l’affection d’un chat, la pêche aux coquillages, la floraison des cerisiers. Traité à l’aquarelle, ce roman graphique mélancolique, accessible dès la prime adolescence, nous invite à ne jamais oublier les valeurs essentielles.

Patrick Gaumer

Mention spéciale : « Perpendiculaire au soleil » de Valentine CUNY-LE CALLET, Éditions Delcourt

Couverture de la BD Perpendiculaire au soleil
par Valentine CUNY-LE CALLET,
éditions DELCOURT (Encrages), 436 pages

Valentine Cuny-Le Callet signe à 25 ans une première œuvre magistrale. Engagée au sein de l’ACAT, une ONG chrétienne de lutte contre la torture et la peine de mort, elle entame une correspondance militante et solidaire avec Renaldo McGirth, le plus jeune condamné à mort des États-Unis. Ce dernier, lui-même artiste, offre les seules touches de couleurs du récit via quelques peintures intégrées habilement au travail noir et blanc de l’autrice. Mêlant travail au crayon et gravures sur bois oniriques et expressionnistes, Valentine Cuny-Le Callet ne parle pas seulement du détenu ou d’elle-même, mais porte la parole et l’histoire des autres condamnés et de tout un peuple soumis aux conditions vexatoires, humiliantes et discriminatoires qu’impose un système aux relents ségrégationnistes.

Bernard STEHR

Prix du Jury Œcuménique 2021

« Khalat » de Giulia Pex, Éditions Presque Lune, janvier 2020

« Khalat » de Giulia Pex, Éditions Presque Lune, janvier 2020

Elle aurait bien mérité de vivre sa jeunesse, étudier à Damas, rêver devant le prof de Français, se confier à son frère aîné et croire à son idéal de liberté. Mais en Syrie, le printemps des peuples se brise sur la violence bestiale du pouvoir en place et sur la cruauté de l’État Islamique. Alors la jeune fille se retrouve jetée sur le chemin de l’exode, en compagnie de ses parents. Elle porte dans ses bras l’enfant désormais orphelin de son frère assassiné. Chaque fois qu’elle marque une pause dans sa marche, Khalat trouve des amis à aider, des plus faibles à secourir ; et chaque fois elle doit les quitter pour guider son neveu et accompagner ses parents tellement soucieux de la protéger et tellement démunis sans elle…

Sans une plainte, sans une invective, Khalat se bat, raconte, observe. Tout est juste dans ce récit, le dessin autant que les sentiments, la langue autant que les couleurs. Et si la retenue qui caractérise son style captive le lecteur si complètement, c’est qu’elle exprime en même temps la personnalité de l’héroïne et l’art de la narratrice.

Jean-Pierre Molina

Mention spéciale 2021 du prix œcuménique de la BD

« L’Accident de chasse », David L. Carlson, Landis Blair, Éditions Sonatine, août 2020

« L'Accident de chasse  », David L. Carlson, Landis Blair,  Éditions Sonatine, août 2020

Cet album suscite un double étonnement : un pavé de 450 pages, format 21/23, qui se lit avec autant d’aisance qu’une BD traditionnelle ; une lecture attachante comme celle d’un roman alors que l’intrigue est un récit de vie authentique quoique surprenant. La narration est soutenue par un graphisme en noir et blanc aussi puissant qu’élégant.

L’itinéraire du « héros » aveugle est un retour paradoxal vers la lumière : celle de l’honnêteté et de la connaissance. La voie surprenante de cette conversion passe par l’amitié avec un codétenu qui lui fait découvrir le Braille et lui donne le goût de la littérature (et pas la moindre : par exemple, le mythe de la caverne de Platon). Une bande dessinée, qui est un hymne à la littérature et à l’humanité, ne peut qu’être recommandée.

Jacques Tramson

Prix 2019 du Jury oecuménique de la BD

Image de couverture «CAROLINA » de BARBOSA et PINHEIRO chez PRESQUE LUNE

« CAROLINA » de BARBOSA et PINHEIRO chez PRESQUE LUNE

« CAROLINA » de BARBOSA et PINHEIRO chez PRESQUE LUNE

Carolina est un roman graphique d’environ 100 planches en noir et blanc, dessinées par João Pinheiro, qui a également écrit le scénario en s’appuyant sur un travail de recherches mené parSirlene Barbosa. Le thème de l’ouvrage est l’histoire vraie de Carolina Maria de Jesus (1914- 1977), au parcours étonnant : cette femme noire qui vivait avec ses trois enfants dans une favelade São Paulo tenait un journal quotidien, qu’un journaliste rencontré par hasard réussit à faire éditer en tant que témoignage sur une population totalement marginale . Le livre, intitulé Quarto de despejo, rencontra un succès considérable à sa publication en 1960. Il fut en tête des meilleures ventes au Brésil, et traduit en quatorze langues. En France il fut publié en 1962 aux éditions Stock sous le titre « Le Dépotoir ».

Pour Carolina Maria de Jesus, la gloire et l’aisance financière furent de courte durée, car la bonne société brésilienne, après cet engouement passager, se lassa rapidement de cette intruse venue d’un autre monde. Carolina connut une fin de vie modeste, dans l’anonymat.
C’est donc une biographie poignante et au goût amer qui été choisie par le jury. Le dessin, qui a parfois recours à plusieurs planches sans aucun texte, rend parfaitement compte de la misère et de la violence des favelas. CarolinaMaria de Jesus est tombée dans l’oubli, mais les favelas sont toujours là, de même que, non loin, l’indifférence et la frivolité des nantis : soixante ans après les faits qu’il relate, ce roman graphique reste d’une pertinence absolue.

Dominique PETITFAUX